jer.me : le blog de Jérôme Bouteiller
L'urinoir de Marcel Duchamp
L'urinoir de Marcel Duchamp
J'ai un avis assez critique sur l'art contemporain. Pour résumer, je pense que l'artiste a pris le dessus sur l'œuvre et que son but n'est plus de faire du "beau" mais essentiellement du "nouveau". Quand on regarde de plus près ce milieu, on comprend que la valeur d'un artiste n'est d'ailleurs pas toujours très objective. Elle repose le plus souvent sur l'importance que lui accordent quelques grands relais d'opinion (journalistes, experts, autres artistes..), eux-mêmes influencés par de grands mécènes, qui ont bien évidemment un intérêt économique à promouvoir un artiste plutôt qu'un autre. Prenons l'exemple d'un François Pinault, désignant un jeune peintre dont il est le client comme un grand "artiste". Immédiatement, sa cour personnelle relaye son opinion et en quelques années, ce peintre devient une célébrité, d'autant que ses œuvres ont de fortes chances de se retrouver dans le propre musée privée du milliardaire français. La boucle est bouclée.

Tout ça pour dire que j'ai parfois tendance à penser que ces mécanismes s'appliquent également au web 2.0. Même si la majorité de ces jeunes pousses cherchent à devenir de vraies PME, avec de vrais revenus, quelques unes se comportent un peu comme des tableaux d'art contemporain. Objectivement, elles ne sont pas si innovantes que ça, mais puisque quelques milliardaires du web, qui ont des parts à leur capital, décrètent que ces projets sont formidables, tout un tas de relais (journalistes, analystes, blogueurs influents) s'empressent complaisamment de reprendre ce point de vue, sans prendre beaucoup de recul. Un mécanisme qui donne en tout cas beaucoup de visibilités à certaines jeunes pousses qui finiront d'ailleurs à leur tour au musée des milliardaires : la bourse.


Commentaires

1.Posté par shyboy le 17/07/2007 14:42
" musée des milliardaires : la bourse."...

le musée des fonds de pension et des petits porteurs qui n'en rien a faire de l'art tant qu'il n'est pas rentable.

2.Posté par Louis van Proosdij le 17/07/2007 18:58
Je partage globalement ta vision, d'une partie de l'art contemporain, et d'une partie du Web 2.0, mais pas sur leur parcours boursier... :-) Plouf avant.

3.Posté par Daniel le 18/07/2007 08:53
L'art contemporain n'est pas différent de la recherche fondamentale. L'objectif est d'innover & créer du nouveau, en effet.
C'est dur pour le néophyte d'appréhender la démarche d'un artiste qui erxplore une nouvelle piste. C'est tout aussi dur de comprendre quelque chose à une thèse sur les supercordes ou les réseaux de Petri.

Pour le web 2, quelques exemples des boîtes a qui tu penses seraient les bienvenues. Je partage ton avis que certaines boîtes mises en avant par des millardaires du web ne sont pas innovantes. Mais elles ne sont pas ordinaires non plus de par les moyens à leur disposition...

4.Posté par jerome le 18/07/2007 09:42
salut. il ne me viendrait pas à l'idée d'associer la recherche du "nouveau" à une recherche scientifique sur la "vérité". Derrière cet intellectualisme, il y a surtout du business.

Pour le web 2.0 ? j'en ai en tête mais vous, à qui penseriez vous ?

5.Posté par Daniel le 26/07/2007 14:28
Pas tous les artistes contemporain font du business. Et tous les scientifiques ne sont pas des philantrophes a la recherche de la vérité.
La démarche artisitique et la démarche scientifique ont longtemps été associées (cf Leonard de Vinci pour prendre un exmeple connu). La spécialisation et le cloisonnement des deux univers n'est pas si ancien.

Pour le web2.0, quelques exemples que j'ai en tête: Twitter, Technorati, WAT, Myspace, Yahoo!... heu non là je m'égare !!

A votre tour ;-)

6.Posté par Karine Papillaud le 13/12/2007 01:27
Très fin, très clair, mon sentiment également ;-)
On dira aussi que le concept a suplanté l'esthétique et l'intellect a gagné sur le sensible. Mais je ne suis pas sûre que la métaphore sefile ainsi jusqu'au web.

7.Posté par Nigla le 18/02/2009 01:31
Je suis en parfait désaccord avec cet article, surtout en ce qui concerne l'art. L'art n'a jamais eu pour vocation de faire du beau, ceci n'est pas le but de l'art, ni sa finalité, et ne l'a jamais été. Son but est de donner à réfléchir, pousser le spectateur à chercher à voir ce qu'il ne voit pas, à regarder plus loin que le bout de son nez, le plus souvent une oeuvre n'est que le reflet de la vision d'un artiste sur la société de son temps. Pour ce faire, les artistes dits "classiques" ont eux, eu à faire "du beau", en effet seuls les oeuvres "belles", par le passé, attiraient le spectateur, la technique avait plus de valeur que le message que véhicule l'oeuvre, et puis après tout, à quoi bon critiquer ou donner à voir si cette critique ne touche personne, si personne ne peut y avoir accès? De tout temps l'art n'a, le plus souvent, qu'été un moyen de contourner la censure et de faire passer un message. Certe, il y a eu des "artistes" qui ne souhaitaient faire que "du beau", mais ils ont été (et sont toujours) en très large minorité, et même en étant partisans de la beauté pure, ils sont le reflets de leur époque et de leur pensée, tout simplement parce qu'ils étaient (et sont) subjectif et que le simple choix de représenter telle scène, de faire telle oeuvre, est le reflet de leur subjectivité. Pour ne pas être subjectif, il faudrait ne pas faire de choix, pour cela il faudrait donc ne rien montrer, ou alors tout montrer, l'ensemble de l'univers, et ce sous tous les points de vue possible et imaginable (et même ceux que l'on imagine pas à priori).

Les artistes de nos jours eux, contrairement à leur prédécésseurs, n'ont plus à faire face à la censure, à la prison ou à la peine de mort pour avoi exprimé leur opinions, il ne sont donc plus contraints de faire "du beau" pour contourner la censure, pour ne pas risqur leur vie. Le public lui aussi est plus souvent "éduqué" à l'art, il est plus instruit à son propos (je dis bien en général) ce qui procure une relative liberté supplémentaire à l'artiste, n'ayant plus nécessairement besoin de faire du beau pour que l'on s'intéresse à son oeuvre. Ces changements ont fini par donner une telle liberté aux artistes, qu'il semble en effet à ceux qui n'y sont pas initié que leur seul objectif est de faire "du nouveau", alors que cela n'est pas leur objectif et ne l'a jamais été (pour la plupart, même si quelques dissidents semblent penser le contraire, le simple fait qu'il le pensent montre leur subjectivité et par la même leur volonté de se différencier, et donc de faire de l'art, plus que du nouveau, ainsi le nouveau est de toute façon de l'art de par la subjectivité de son auteur). Une telle définition peut sembler vaste, ainsi n'importe qui est un artiste pour peu qu'il fasse quelque chose, je n'irai pas jusque là, et ceci n'est par ailleur pas le sujet du présent article.

Les moyens qui véhiculent l'art de nos jours, artistes, médias, mécènes, sont pour la plupart des gens qui étudient l'art, qui étudient les oeuvres dont ils parlent, les artistes qui en sont les auteurs, ils en parlent avec subjectivité certes, mais sans intérêt financier (même pour les mécènes), l'art n'est pas, n'a jamais été, et ne sera jamais rentable, ou si peu. Même parmis les artistes "contemporains", peu sont ceux qui ont pu vivre de leur art de leur vivant, et encore moins nombreux ceux qui en sont devenus riches de leur vivant.

J'ai fait court, je pourrais développer sur encore quelques milliers de lignes, mais cela deviendrait lassant et personne ne lirait, par ailleurs je dois vous laisser, des travaux m'attendent. En espérant vous avoir éclairé (pour ceux qui ne l'étaient pas déjà) et avoir convaincu ceux qui ne l'étaient pas, bonne soirée.

Nouveau commentaire :